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Genèse de " Rebond "

Par Claire Villiers - Jouvanceau

2003 / 2004. L'année scolaire démarre, comme toujours à contre-courant de l'année civile. Ce contre-courant qui finalement me correspond assez bien. Ne pas laisser mes élèves suivre un cycle scolaire linéaire mais les amener à découvrir, encore et toujours... d'autres ouvertures, d'autres milieux, d'autres mélanges, d'autres façons de faire, d'autres façons de penser...
Depuis deux ans déjà, on travaille en danse contemporaine avec Mûre, une danseuse chorégraphe qui porte bien son nom : toute printanière, toute souriante, toute belle. La danse contemporaine, ça n'a rien de figé ou d'austère et les enfants le découvrent vite : on ne peut pas se tromper. On a toujours juste. Et pour les élèves les plus en difficulté, ça n'a pas de prix !
On a aussi travaillé en écriture et composition de chansons avec Joël, Daniel et Thierry, une formidable aventure dans la chaleur tropicale de l'été 2003 à la Grange Rouge.
Tous ces moments vécus ensemble ont une cohérence : c'est d'accord, c'est oui, on sera la première classe de Bourgogne à participer au Festival International de Danse à l'école, " Danse au Coeur ", à Chartres, en mai 2004.
Bien sûr, les contre-courants, ça génère des contretemps, des contre-opinions, des contre-tout-ce-qui-bouge. " Ah non, pour les subventions, il faut faire un deuxième/ troisième/ quatrième/ quarantième dossier, Madame ". " Mais pourquoi vous ne les emmèneriez pas plutôt à Touroparc ? ".
Mais il y a nous tous. Tous ensemble. Dix-neuf enfants, Mûre, Thierry et moi. Et plus les difficultés s'amoncellent, plus notre volonté d'y arriver se renforce.
Thierry improvise pendant nos séances de danse, saxo, bongos, didjeridoo... Il enregistre aussi, inlassablement. On ne comprend pas toujours à quoi ça nous servira mais on le laisse poser ses oreilles partout. Dans la cour de récré. Dans le couloir. Dans les escaliers. Dans la classe. Il enregistre le souffle de nos danses, l'air qu'on déplace, nos chuchotements entremêlés. Il enregistre nos énergies, nos moments de découragement, notre joie de vivre aussi, les rires des enfants, les jeux, les ballons qui rebondissent et puis nos mots, nos soupirs, les camions qui roulent trop vite. Peut-être bien aussi qu'il parvient à enregistrer les rayons du soleil, les rêves des enfants, leur confiance inébranlable.
Les dates des représentations approchent, on n'est pas prêts, la tension monte.
Jeudi 8 avril. Morose ou plutôt gris. J'explique aux enfants que non, aujourd'hui, Thierry n'est pas là. On danse sans musique : Thierry répète avec Dalton et les Bons Brigands. On est assis tous ensemble en cercle. La porte de la salle s'ouvre et sous nos yeux ébahis, apparaît notre musicien préféré.
" Je fais juste l'aller-retour ".
Et il nous tend un CD.
" J'ai pensé que vous aviez besoin de ça aujourd'hui. Inspirez-vous du titre ".
Et il part.
Le titre. " Rebond ". Oui, sûrement, on avait besoin de ça.
On met le CD. On ne sait vraiment pas à quoi s'attendre et dix-neuf paires d'yeux me fixent d'un air interrogateur.
Alors on ne dit rien et ça fait du bruit dans la tête, dix-neuf enfants et une maîtresse qui ne disent rien...
Plage 1. Rebond de ballon dans la cour de récré. Cris des enfants. Tout-à-coup le ballon semble s'animer de sa vie propre. Il devient percussions et joue une samba qui n'a plus rien de scolaire.
Et soudain voilà que dix-neuf soleils brésiliens sont entrés dans la salle en se moquant du crachin du dehors. Nous voilà tous en plein carnaval, on ne sait plus qui des sourires des gamins ou des étoiles de leurs costumes imaginaires brillent le plus. Ça se déhanche, ça se syncope, ça se rythme et ça sourit de partout. On ne doute plus de rien. C'est nous, nous dans la cour de récré de l'école de Sornay, Saône-et-Loire, et nous dans le couloir et nous encore dans la classe et pourtant c'est nous ailleurs, dans nos rêves. C'est Alexandre qui dit qu'" il fait une chaleur à mourir " et ce sont nos cris de victoire. C'est Franck-Aurélien qui fait éclater toute sa joie de vivre en dansant et Aline qui ondule.
Fin du morceau.
Au milieu des visages stupéfaits, Valentin me demande : " Mais il a fait ça tout seul, Thierry ? ". Ah bon, eux aussi ils ont remarqué, Thierry on a toujours l'impression qu'il est plusieurs.
Ce jour-là, on a compris qu'on irait jusqu'au bout.
Et sur la scène du beau théâtre à l'italienne de Chartres, devant un public conquis, toutes ces couleurs, ces sons chauds, c'était si fort qu'on a fait sauter tous les plombs du théâtre. Et pas seulement au sens figuré.
Ce n'est que trois mois plus tard que Thierry m'a proposé d'en faire un Groovin' Single, une version moins " danse contemporaine ", plus grand public avec quelques instruments en plus et un mixage différent, mais qui respecte intégralement la structure de la chorégraphie. C'est ce CD que les élèves de l'école de Sornay ont emmené avec eux en souvenir.


Coop scolaire de Sornay, 273, rue de la Mare au Prêtre, 71500 Sornay


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